Implication du système octopaminergique dans la cohésion sociale et la reconnaissance chez la fourmi Camponotus fellah
par Raphaël Boulay

Thèse de doctorat en Sciences : biologie des organismes. Sous la direction de Alain Lenoir. Soutenue en 1999 à Tours .

Résumé
Une des caractéristiques des insectes sociaux est le maintien d'un contact quasi permanent entre les ouvrières d'une même colonie. Cette forte cohésion sociale a des répercutions sur la reconnaissance et sur l'intégrite coloniale. L'isolement social complet pendant 20 jours empêche une ouvrière d'échanger les hydrocabures qu'elle produit et qui recouvrent sa cuticule, avec ceux de ses congénères. Chez c. Fellah, nous avons montre que ceci se traduisait par une divergence entre le profil des hydrocarbures cuticulaires de l'ouvrière isolée et ceux de ses congénères maintenues en groupe. Les hydrocarbures faisant partie du signal colonial, cette divergence provoque l'impossibilité pour l'ouvrière isolée de réintégrer sa colonie. Une durée d'isolement plus courte (5 jours) provoque de nombreuses trophallaxies entre l'ouvrière isolée et ses congénères. Ces trophallaxies, qui marquent le rétablissement des liens sociaux, permettraient à l'ouvrière isolée d'échanger des hydrocarbures et de se replacer au centre de l'odeur coloniale. Si, à l'issue de 20 jours d'isolement elle peut avoir des contacts sociaux avec des congénères non isolées mais dont l'agressivité est expérimentalement neutralisée, elle est mieux tolérée. A l'inverse, une ouvrière isolée pendant 20 jours devient plus tolérante envers d'autres ouvrières allocoloniales, suggérant que des contacts sociaux fréquents sont également nécessaires pour maintenir le patron interne servant de référence lors de la reconnaissance coloniale. Les nombreuses et longues trophallaxies provoquées par la privation sociale peuvent être spécifiquement inhibées par une administration d'octopamine et ramenées à leur niveau de base entre des ouvrières non isolées. Par analogie avec la formation des liens sociaux chez les vertébrés, nos résultats suggèrent que ce neurotransmetteur soit implique dans le maintien de la cohésion sociale dans les colonies de fourmis.