Les fourmis chassent au Velcro en Guyane

Sylvestre Huet 26 juin 2010 Lien

Comment une fourmi peut-elle retenir un insecte capturé qui pèse 5 000 fois son propre poids ? En utilisant la technique du Velcro, révèle un article publié le 23 juin dans la revue Plos One. Signé par une équipe franco-espagnole dirigée par Alain Dejean, elle relate une découverte sur la technique de chasse de la fourmi du genre Azteca, faite dans les forêts de Guyane française.

Ces fourmis sont étudiées de très près depuis longtemps par l’équipe d’Alain Dejean en raison de son mode de vie, en totale coopération (une symbiose) avec l’arbre Cecropia, dit «bois canon» par les Guyanais. Ces fourmis vivent exclusivement sur ces arbres, qu’elles protègent de ses agresseurs, et sur lequel elles capturent leurs proies. Leur technique de chasse est spectaculaire. Accrochées sur le bord des feuilles, elles attendent, à l’affût, qu’un insecte se pose. Puis l’attaquent en l’immobilisant. Alors, il est littéralement découpé vivant par des escouades de fourmis. (photo, un sphynx capturé)

Question : comment les minuscules fourmis parviennent-elles à immobiliser des proies parfois 5000 fois Guepe plus lourdes que l’une d’entre elles ? En s’y mettant à plusieurs, certes, mais surtout par la technique du velcro : en s’accrochant aux poils de la feuille (c’est le Velours) par leurs griffes (c’est le crochet). L’efficacité de cette technique et de la coopération des fourmis est remarquable. (photo, une guèpe capturée). L’espèce de fourmi ici étudiée est Azteca andreae, et l’arbre le Cecropia obtusa)

Cette recherche prend place dans l’activité menée par les équipes du Cnrs en Guyane, en particulier le laboratoire Ecofog (écologie des forêts de Guyane) où travaille Alain Dejean. Un laboratoire qui regroupe les forces du Cirad, de l’INRA, d’AgroParistech, de l’Université de Guyane pour une activité multiforme, qui va de l'étude biologique et écologique de la forêt aux applications médicales en passant par la gestion de la forêt. Pour le plaisir de montrer que l’on peut réaliser un brillant début de carrière de scientifique en ayant démarré ses études en fac de biologie, voici le CV de la deuxième signataire de l’article, Céline Leroy. Il reste à espérer que le post-doc en cours débouche bien... ce qui n’a rien d’évident avec le refus du gouvernement de créer les postes nécessaires dans la recherche publique et l’université.

J’ai rencontré Alain Dejean lors d’un reportage en Guyane, et nous avions justement observé ensemble les interactions entre ces fourmis et le bois-canon, un exemple bien documenté des interactions entre espèces qui expliquent bien de mystères de la vie. Le reportage est ici en trois pages pdf de Libération ( une, deux, trois).

Nota bene : Velcro® est une marque déposée par Velcro International BV pour le monde entier. C’est devenu un nom générique pour désigner un matériau textile consistant en deux bandes recouvertes chacune d’une texture différente (un velours et des crochets), permettant lorsqu’on les met en contact d’obtenir rapidement une liaison amovible.)