Plastic planet
Alain Lenoir mis à jour 07-Mai-2018
Plastic Planet. La face
cachée des matières synthétiques, de Werner Boote et Gerhard
Pretting, Actes Sud, 260 p., 21 €.
Plastic Planet, documentaire de Werner Boote (1 h 35). Sortie en salles en avril
2011, à l'occasion de la Semaine du développement durable.
" Il faut arrêter la production des plastiques dangereux " Cinq questions à Werner Boote, l'auteur de " plastic planet ".
Propos recueillis par Frédéric Joignot
(2010)
Après dix ans d'enquête, quelles sont, selon vous, les pires conséquences
du tout-plastique ? Aujourd'hui, le plastique nous encercle comme une sorte
de bouclier invisible. Il est partout, jusque dans notre sang. Il est devenu
une menace directe pour l'environnement, les animaux comme les être humains.
Hélas !, nous nous en apercevons trop tard. Désormais, chacun
a entendu parler des désastres causés par l'omniprésence
des déchets en plastique tout autour du monde, et surtout des énormes
quantités qui flottent et qui coulent dans les océans. Mais peu
de gens savent que des substances dangereuses pour la santé humaine entrent
dans la composition du plastique, et que des études les associent à
certains cancers, à des réactions allergiques et à l'infertilité
masculine. Vous dites que nous sommes entrés dans l' " âge
du plastique "...
Aux âges de la pierre, du bronze et du fer a succédé celui
du plastique. La quantité de plastique produite depuis les débuts
les années 1960 suffirait à recouvrir la terre entière
de six couches épaisses ! Les industriels du plastique génèrent
800 millions d'euros de bénéfice par an. Aujourd'hui, le plastique
nous cerne, il est dans les parquets stratifiés, les innombrables boîtes,
les semelles des chaussures, les vêtements, les meubles, l'électronique,
les jouets, les voitures, partout. L'époque où le plastique n'existait
pas nous semble inimaginable.
Parlez-nous de votre analyse de sang… J'ai été choqué
de découvrir un taux très élevé d'une substance
aujourd'hui considérée comme dangereuse par nombre d'études,
le bisphénol-A. Les membres de mon équipe ont fait les mêmes
tests, qui eux aussi ont montré un taux important de bisphénol.
Ces résultats confirment ce que des scientifiques dénoncent depuis
des années, à chaque fois contredits par les industriels du plastique
et leurs prétendus experts : chacun d'entre nous possède plusieurs
substances issues du plastique dans le sang. Cela dit, je veux envoyer un message
positif. Un an et demi après cette analyse, depuis que j'évite
tout usage d'objet en plastique, mon taux de bisphénol a baissé.
Vous êtes-vous rendu sur le " vortex de plastique " au large
de la Californie ? Sur place, vous ne distinguez pas grand-chose, le plastique
ne flotte pas toujours en surface. La catastrophe majeure vient de ce que le
plastique se désintègre en minuscules billes que les poissons
prennent pour du plancton et qui les tuent. En 1997, quand le capitaine Charles
Moore a découvert le grand " vortex de détritus ", il
a observé sur place six fois plus de plastique que de plancton. Dix ans
plus tard, lorsque je l'ai accompagné au large d'Hawaï, il en a
détecté soixante fois plus ! Aujourd'hui, des océanographes
ont découvert d'énormes plaques de plastique dans l'Atlantique
Sud, l'océan Indien et la mer du Nord.
Est-il possible d'échapper au plastique ? Nous n'y échapperons
pas. Nous sommes les enfants de l'âge du plastique. Nous en avons besoin.
C'est aux consommateurs et aux hommes politiques d'arrêter la production
des plastiques dangereux, de pousser les industriels à fabriquer des
bioplastiques – aujourd'hui 0,5 % des plastiques existants –, et
d'utiliser des produits de substitution comme le verre. "
Voir
- Joignot, F. (2010). Plastique, l'ennemi intime. M Le Monde Magazine 19 septembre
2010. http://www.lemonde.fr/planete/article/2010/09/19/plastique-l-ennemi-intime_1412130_3244.html#27yVXt1x5qVWvT6X.99