La fourmi, un insecte paresseux ? C'est vrai, mais son inactivité la protège

Publié le 01-10-2015
http://leplus.nouvelobs.com/contribution/1430104-la-fourmi-un-insecte-paresseux-c-est-vrai-mais-son-inactivite-la-protege.html

Par Audrey Dussutour. Propos recueillis par Anaïs Chabalier.

La fourmi ne serait pas si travailleuse qu'on le pense. C'est ce que révèle une étude publiée dans la revue "Behavioral Ecology ans Sociobiology". Dans chaque colonie, il existerait ainsi des fourmis oisives, qui se reposeraient sur les fourmis ouvrières pour survivre. Qu'en est-il réellement ? Éclairage d'Audrey Dussutour, myrmécologue et chargée de recherches au CNRS.
Dans l’imaginaire collectif, on a toujours pensé que la fourmi était un insecte travailleur. Même Jean de la Fontaine, dans sa fable "La cigale et la fourmi" a cru à cette légende.
C’est normal, car le grand public ne voit que la partie émergée de l’iceberg. Face à une fourmilière, on ne peut effectivement observer que les individus actifs, qui sortent du nid pour récolter de la nourriture.
Pourtant, ces fourmis travailleuses ne représentent que 10% de la colonie. À l’intérieur du nid, il reste 90% d’individus, parmi lesquels on retrouve des fourmis inactives.
Certaines fourmis ne font rien. En cela, l’étude publiée dans "Behavorial Ecology and Sociobiology" est intéressante. Il s’agit effectivement d’un travail fiable et précis, qui confirme une information connue par les myrmécologues depuis longtemps, mais encore ignorée du grand public.
Après avoir observé les fourmis d’une colonie une par une, le chercheur qui a réalisé cette étude les a divisées en quatre grands groupes. Il a ainsi identifié les fourmis ouvrières, qui sortent du nid pour récolter de la nourriture, les puéricultrices, qui s’occupent des larves, les généralistes, qui accomplissent plusieurs taches à la fois sans que l’on puisse vraiment les définir et enfin les oisives, qui ne font rien.

Les fourmis ont des comportements différents. Parmi les fourmis oisives, deux groupes ont été identifiés : les individus qui se déplacent, mais qui ne semblent pas faire grand-chose et ceux qui restent immobiles. Le chercheur ne s’est intéressé qu’à ces derniers et s’est rendu compte qu’ils représentaient près de la moitié de la colonie. Les fourmis ont donc des comportements différents au sein de chaque colonie. Pour autant, on ne peut pas affirmer qu’elles ont une "personnalité". On parlera plutôt de caste comportementale, propre à un individu en particulier.

Une autre étude publiée récemment avait déjà montré qu’il existait des personnalités, mais au niveau de la colonie : certaines sont courageuses, tandis que d’autres sont plus timides.

Un rôle bien défini au sein de la colonie. Ainsi, l’inactivité chez les fourmis est un fait avéré et l’on doit cela à la division du travail, qui est également un phénomène bien connu chez ces insectes. Cette répartition des tâches se fait en souvent fonction de l’âge : les fourmis inactives sont les plus jeunes et celles qui sortent du nid sont les plus âgées. L’hypothèse la plus probable pour expliquer le comportement de ces fourmis inactives, c’est qu’il n’y a pas de travail pour elles pour l’instant. Par contre, si une catastrophe se produit, elles sont en mesure de remplacer les fourmis travailleuses disparues. En fait, ces fourmis ont un seuil de réponse qui leur est propre. Tant qu’elles ne sont pas sollicitées, elles ne s’activent pas. Mais il suffit qu’on ait besoin d’elles pour qu’elles se mettent à travailler. Cette organisation est bien pensée et permet aux fourmis de se protéger des dangers et d’assurer leurs arrières. Ainsi, cette étude casse le mythe de la fourmi travailleuse, mais ne fait pas pour autant d’elle un insecte paresseux, puisque la fourmi a un rôle utile et bien défini au sein de la colonie.