Tout savoir sur les Tapinoma Magnum, ces fourmis qui envahissent la Corse
Mis à jour le 24-Aoû-2023
Tout savoir sur les Tapinoma Magnum, ces fourmis qui envahissent la Corse. Par Ségo Raffaitin, France Bleue Corse 22 juillet 2023.
Elles sont dans les potagers, rentrent 
  dans les maisons par les fissures, ou même les prises électriques 
  : les tapinoma magnum prennent le pas sur les autres espèces de fourmis 
  en Corse. Le Parc Galea a réuni des experts de la question vendredi 21 
  Juillet pour tout savoir sur cette fourmi.
  Plus on cherche à s'en débarrasser avec des produits comme les 
  poudres et autres répulsifs, plus elle résiste. Présente 
  depuis quelques années en Corse, la fourmi Tapinoma Magnum détruit 
  les autres espèces de fourmis et pose problème dans les jardins 
  et jusque dans les maisons : elle détruit des parties de murs, mord les 
  promeneurs et peut même aller jusqu'à couper les fruits de leur 
  tige.
  Plus de 400 spectateurs et spectatrices au parc culturel Galea, et 230 connexions 
  à la retransmissions sur internet pour la conférence dédiée 
  à ce sujet : ces fourmis sont un problème général, 
  et beaucoup cherchent à comprendre leur invasion grandissante, et surtout 
  les solutions pour s'en débarrasser. Pour faire le point, le biologiste 
  suisse Laurent 
  Keller, le professeur d'écologie Bernard 
  Kaufmann, les entomologistes Marie Cécile Andrei Ruiz et Cyril Berquier, 
  le chimiste Alain Muselli et le président de l'association des producteurs 
  d'agrumes l'AREFLEC Jean Baptise-Ribaut.
Comment la reconnaître 
  ?
  Pour commencer, il faut savoir la différencier des autres espèces 
  de fourmis, qui sont environ 80 au total en Corse. Ce qui caractérise 
  les tapinoma magnum, c'est leur odeur : lorsque vous les écrasez, une 
  forte odeur de beurre rance vient vous chatouiller les narines. Le reste des 
  fourmis sentira plutôt le vinaigre. Si vous avez chez vous des fourmis 
  qui ont cette odeur et qui sont agressives, mordent, ce sont des tapinoma magnum.
Quelle différence 
  avec les autres fourmis de Corse ?
  "Les 
  fourmis sont très utiles dans la nature, précise Cyril Berquier, 
  elles transportent des graines, éloignent et mangent certains prédateurs... 
  Il ne faut pas toutes les tuer." Le problème de la tapinoma, c'est 
  qu'elle est super-coloniale et très invasive, c'est à dire qu'elles 
  détruisent les autres espèces de fourmis, et qu'une même 
  population peut contenir des centaines de millions d'individus parce que tous 
  les nids fonctionnent ensemble, avec plusieurs reines par colonie, sans rivalité. 
  Lorsque la colonie grandit, elles vont chercher à étendre leur 
  territoire et créer d'autres nids.
Les tapinoma magnum se nourrissent 
  surtout des déjections des pucerons, mais sont aussi bien intéressées 
  par les miettes de nourriture humaine ou même les croquettes pour chats 
  !
  Le réchauffement climatique les fait remonter en Europe
Côté maisonnée, 
  les tapinoma magnum aiment les climats secs et chauds "donc les lieux les 
  plus touchés par le changement climatique" souligne Cyril Berquier. 
  Elle ne vient pas d'Italie, comme la plupart de celles qu'on retrouve en Europe 
  actuellement, mais d'Afrique du Nord. "Le dérèglement climatique 
  et l'artificialisation des sols fait qu'elles sont de plus en plus dans les 
  bonnes conditions chez nous" explique l'entomologiste*. "Nous sommes 
  les premiers à essuyer les plâtres, mais l'espèce tend à 
  remonter"* ajoutent les chercheurs.
  Elles aiment la terre meuble
Elles aiment la terre que l'on a déjà un peu travaillée pour elles : là où a été planté un piquet, autour des racines des plantes, à côté des pierres et des murets... Mais elles peuvent s'installer partout, dans les cailloux et même dans le sable.
 Comment sont-elles 
  arrivées en Corse ?
  Pour l'heure, 
  cette fourmi est présente sur toute l'île, et tend à remonter 
  aussi en altitude, dans les montagnes corses, précise Cyril Berquier. 
  Les spécialistes identifient une source principale : le transfert de 
  végétaux via les pépinières. Lors d'une étude 
  menée par Bernard Kaufmann à Lyon, sur 80 pépinières, 
  16 abritaient la tapinoma magnum. Il est aussi possible que les fourmis transitent 
  dans le compost végétal, et une usine algeco a aussi été 
  infestée, et a exporté sans le savoir, des fourmis dans les algeco.
 Comment s'en débarrasser 
  ?
  Eh bien, 
  il est malheureusement impossible d'éradiquer cette espèce de 
  fourmis. Les spécialistes proposent cependant *des solutions de régulation. 
  "Le mieux, c'est d'attendre l'hiver pour perturber les nids. C'est une 
  des rares espèces qui vont être en activité en hiver. On 
  conseille de repérer les nids, attendre une journée bien froide 
  et venir perturber ces nids, avec *quelques coups de pioche" explique Marie-Cécile 
  Ruiz, la responsable des invertébrés à l'Office de l'environnement 
  de la Corse. "Vous pouvez aussi y verser de l'eau chaude savonneuse après 
  avoir labouré" ajoute Bernard Kaufmann.
**Au printemps/été, 
  on peut essayer d'agir sur les couvains : "***il faut repérer des 
  constructions un peu en hauteur, voir des fourmis circuler avec des petites 
  choses blanches entre les pates : ce sont les œufs. En général, 
  le couvain est peu profond, là on peut mettre de l'eau bouillante ou 
  bien *un petit coup de chalumeau. Ce couvain, c'est l'avenir de la colonie, 
  donc le détruire ça permet de ralentir."
  Ce qu'il ne faut pas faire : mettre des produits partout
Les entomologistes sont formels : mettre de la poudre anti-fourmis partout, c'est contre productif. En effet, cela va plutôt tuer les autres espèces de fourmis, puisque la tapinoma magnum est très résistante. Résultat : on élimine la concurrence et on favorise en fait le développement des tapinoma. "C'est peut-être pour cela qu'on a certains témoignages qui disent depuis que j'ai traité j'ai l'impression qu'il y en a encore plus" souligne Marie Cécile Andrei-Ruiz. Il faut plutôt cibler l’endroit où l'on est sur que ce sont les tapinoma qui ont le dessus, faire une barrière devant la maison par exemple, en visant au maximum l’espèce tapinoma qui donc est invasive.
 Des recherches 
  en cours à l'Université de Corte
  Alain Muselli 
  fait partie depuis 2018 de l'équipe qui fait des recherches pour développer 
  des répulsifs naturels. Ils ont réussi à imiter les cocktails 
  de phéromones que les fourmis produisent pour communiquer. Ainsi, il 
  est possible de développer un produit qui dit "venez par là" 
  et guide les tapinoma jusqu'à un piège, ou bien un produit qui 
  donne un signal d'alerte et les éloigne par exemple des cultures. L'équipe 
  de l'Université de Corte fait aussi des recherches sur les hydrolats 
  et huiles essentielles à base de végétaux corses, avec 
  des propriétés répulsive, deux des espèces qu'ils 
  ont étudié ont les mêmes résultats que les produits 
  chimiques du marché : par contact, elles tuent la fourmi en moins de 
  3h. Mais l'horizon est large pour la commercialisation du produit "cela 
  peut prendre entre 5 et 10 ans entre la phase de début des recherches 
  et le moment ou le produit arrive en rayon."
 Un problème 
  de fond
  Pour Cyril 
  Berquier, il ne faut pas oublier que c'est un problème de fond : " 
  On va lutter contre tapinoma, ok, mais c'est un problème poinctuel, on 
  a un rythme d’introduction des espèces très élevé 
  qui s’accroît, à cause du dérèglement climatique. 
  Donc il faut des politiques sociétales."
Tapinoma 
  magnum toujours dans l'actualité 
  en Corse :
  - La 
  fourmi Tapinoma magnum n'épargne aucune région en Corse. 
  Par Enzo CAILLAUD-COZ, Corse Matin, 8 juillet 2023. Avec 
  des photos de Claude Lebas. 
  - Tout 
  savoir sur les Tapinoma Magnum, ces fourmis qui envahissent la Corse. Par 
  Ségo Raffaitin, France Bleue Corse 22 juillet 2023.
  - Corse 
  : la « Tapinoma magnum », l’étonnante fourmi qui envahit 
  l’île. Par Julian Mattei, 13 août 2023. De nombreux témoignages 
  de personnes privées ou maraîchers désespérés. 
  
  - La 
  «Tapinoma magnum», cette fourmi invasive qui fait des ravages en 
  Corse. Par Pauline Darrieus, lefigaro.fr, 21/08/2023. Interview de Jean-Yves 
  Bichaton (OFB Corse) et Cyril Berquier (Office environnement Corse).