Azteca

Mis à jour le 14-Mar-2023  

Ce sont des fourmis Dolichodérines arboricoles étudiées en Guyane par Alain Dejean et collaborateurs. Elles sont mutualistes avec des Cecropia, arbres colonisateurs. Selon Pablo Servigne (2015) "La symbiose entre la fourmi Azteca et l'arbre Cecropia est fréquente en Guyane. Le Cecropia ou "bois canon" est un arbre de lisière qui pousse en bord de piste. Il possède à l'intérieur du tronc des cavités qu'il met à disposition des fourmis Azteca pour qu'elles s'y installent. En plus d'un logement, les fourmis y trouvent de petites boules (appelés "corps de Müller") qui leur servent de nourriture et qui sont excrétées à la base des feuilles. En échange les fourmis protègent l'arbre contre toute agression, en particulier des fourmis Attine défoliatrices.". C'est un bon exemple de coopération avec entraide (Kergoat 2019).

 Des nids en Guyane :              

 Les ouvrières :

L'arbre hôte Cecropia :          

La fourmi Azteca utilise le principe du Velcro pour s'agripper fermement aux feuilles du Cecropia et pouvoir ainsi capturer de très grosses proies. Les fourmis de cette espèce ne se nourrissent pas à partir de corps nourriciers fournis par l'arbre en plus du logement, mais ont mis au point une stratégie de chasse reposant sur une organisation sociale très élaborée. Les ouvrières se postent côte à côte sous la bordure des feuilles de l'arbre et attendent dans cette position d'éventuelles proies qui viendraient se poser pour trouver un abri ou attaquer les feuilles de l'arbre. Dans cette position, les fourmis s'agrippent solidement aux feuilles grâce au principe du Velcro. En effet, la face inférieure des feuilles présente une ramification de longs poils qui constitue la partie «velours» sur laquelle s'accrochent les griffes des ouvrières formant la partie «crochets». Grâce à ce principe, une fourmi peut maintenir jusqu'à plus de 5 000 fois son poids. Un groupe d'ouvrières peut capturer de très grosses proies, la plus grosse rencontrée étant un criquet de 18,6 g soit 13 350 fois le poids d'une ouvrière (Dejean et al. 2010, et nombreux articles sur Internet).

Selon Céline Sivault dans "Ce que la Science sait des fourmis" : "Azteca andreae est une espèce rencontrée dans les régions tropicales d'Amérique du Sud, et particulièrement en Guyane française. Elle est au centre de l'attention de l'équipe d'Alain Dejean, chercheur au laboratoire « Écologie des forêts de Guyane ». Les ouvrières s'associent en grand nombre pour organiser des chasses à l'embuscade. Elles se disposent côte à côte sur le pourtour de la face inférieure d'une feuille de l'arbre sur lequel elles vivent, Cecropia obtusa.
Les poils qui recouvrent la surface foliaire permettent à leurs pattes de s'accrocher fermement au support : l'effet velcro est garanti ! Ainsi dissimulées. elles ne laissent dépasser que leurs mandibules et attendent patiemment qu'un imprudent pose une patte à proximité. Elles fondent alors dessus et l'immobilisent. La vic-time est rapidement découpée et ramenée au nid. La prise record observée par les scientifiques est la capture d'un criquet de 18,61 grammes, soit 13 350 fois plus lourd qu'une chasseuse !
"

Selon Dejean et al (2007) :

Elles sont aussi capables de capturer les proies sur leur nid comme les Allomerus que l'on appelle fourmis tortionnaires.

Elles cultivent des champignons ascomycètes dans les trous des tiges. Un travail au Costa Rica a montré que les reines fondatrices emportent le champignon et qu'elles en nourrissent les larves jusqu'à l'apparition des premières ouvrières (Mayer et al 2018, et nombreux articles sur internet).

Au Costa Rica on a étudié les composés volatiles (VOC Volatile organic compounds) dans les domaties de Cecropia où nichent les Azteca. Dans ces domaties il y a aussi un champignon noir (Chaetothyriale) apporté par les fourmis. Il y a 211 composés. Dans les domaties habitée il y a beaucoup de cétone 2-heptanone, phéromone d'alarme des fourmis. On y trouve aussi beaucoup de phtalates. Dans les domaties inhabitées il y a beaucoup plus de substances diverses émises par le Cecropia (monoterpènes et sulfures) , qui sont sans doute nocives pour les larves de fourmis, mais qui sont dégradées par le champignon qui est donc très utile à la fourmi (Mayer et al 2021).

Les fourmis Azteca ont leur nid avec des fonctions déterminées : pouponnière, réserve de nourriture, salle de repos, décharge. Chaque chambre de la domatie a un microbiome particulier et différent de celui du milieu environnant. Les Azteca maintiennent une propreté excellente, surtout autour du couvain. En revanche, elles ne s’occupent pas des agents de maladies pouvant affecter le parasolier ; de ce point de vue, elles ne le protègent pas. Les microbiomes varient selon l’endroit mais partout, la propreté est bien supérieure à ce qu’on trouve dans nos maisons et appartements.. Voir Lucas et al 2019 et Une leçon de propreté.

Azteca dans les Cecropia bien décrit dans Les aventures de dodomissinga ou l'histoire d'un arbre de Guyane.

Un beau jardin de fourmis Azteca paraensis bondari (2019, photo J. Delabie)

Personnalité des colonies d'Azteca. On vient de retrouver l'idée de personnalité de colonie chez des Azteca constructor qui vivent sur des Cecropia à Panama où les colonies sont plus ou moins agressives, certaines étant même qualifiées de "dociles" (Marting et al 2018, voir Ikonicoff 2017).

Azteca ovaticeps est parasite d'Azteca andreae sur les arbres Cecropia. Pdf

L'effet "cher ennemi" démontré chez les fourmis arboricoles Azteca au Brésil (Viçosa). Entre colonies voisines on peut avoir les effets inverses "cher ennemi" ("DE dear enneny") où l'on est moins agressif envers les voisins connus, ou au contraire "méchant ennemi" (NN nasty-neighbor effect) où l'on est plus agressif envers les voisins. Chez les Azteca, le profil global des hydrocarbures cuticulaires n'est pas lié à l'agression, mais ce sont les alkanes méthylés qui sont responsables de la reconnaissance (Camarola et al 2021).

Selon Jolivet (1986, p.164) dans les années 80 il y avait des Cecropia dans les serres du jardin des plantes à Paris, mais pas de fourmis à cause des traitements insecticides. Dans les serres d'Orsay il y avait des Lasius emarginatus (locales) mais qui ne pénétraient pas dans les cavités des tiges où logent nomalement les Azteca.

Deux pages du livre de Francis Hallé "Un monde sans hiver" (1993) sur les fourmis : les jardins de fourmis et les interactions entourant l'imbauba (Cecropia) arbre d'Amazonie où l'on trouve les Azteca.

     

Vidéo d'Azteca en Guane (2017) par Gérard Renaud.

Voir
- Ikonicoff, R. (2017) Tels des individus, les "superorganismes" ont une personnalité. science-et-vie.com, 14 décembre 2017, p. https://www.science-et-vie.com/nature-et-enviro/tels-des-individus-les-superorganismes-ont-une-personnalite-10140.Pdf
- Servigne, P. (2015) Fourmis. Un monde à part. guyane-guide.com, 25 mai 2015, p. http://www.guyane-guide.com/zone-guyane/fourmis.htm Pdf
- Tassart, A.-S. (2018) Une fois attrapée par des fourmis Azteca brevis, leur proie vit une véritable torture. sciencesetavenir.fr, 1 mai 2018, p. https://www.sciencesetavenir.fr/animaux/insectes/une-fois-attrapee-par-des-fourmis-azteca-brevis-leur-proie-vit-une-veritable-torture_123474. Pdf

- Camarota, F., R. Campos and D. Vidal (2021). The dear enemy effect drives conspecific aggressiveness in an Azteca/Cecropia system. Scientific Reports. doi: 10.1038/s41598-021-85070-3.
- Dejean, A., C. Leroy, B. Corbara, O. Roux, R. Céréghino, J. Orivel and R. Boulay (2010). Arboreal ants use the "velcro principle" to capture very large prey. PLos One 5: e11331. Libre de droits
- Dejean, A., B. Corbara, J. Orivel and M. Leponce (2007). Rainforest canopy ants: the implications of territoriality and predatory behavior. Functional Ecosystems Communities 1: 105-120
- Jolivet, P. (1986). Les fourmis et les plantes, un exemple de coévolution, Boubée, 254 pages.
- Kergoat, M. (2019). L'entraide, unique mot d'ordre chez les fourmis. Sciences et Avenir n°865, mars 2019: p. 60-62.
-
Lucas, J. M., A. A. Madden, C. A. Penick, M. J. Epps, P. R. Marting, J. L. Stevens, D. J. Fergus, R. R. Dunn and E. K. Meineke (2019). Azteca ants maintain unique microbiomes across functionally distinct nest chambers. Proceedings of the Royal Society B: Biological Sciences 286(1908): 20191026. doi:10.1098/rspb.2019.1026 Libre de droits
- Marting, P. R., W. T. Wcislo and S. C. Pratt (2018). Colony personality and plant health in the Azteca-Cecropia mutualism. Behavioral Ecology 29(1): 264-271. 10.1093/beheco/arx165
- Mayer, V. E., M. Nepel, R. Blatrix, F. B. Oberhauser, K. Fiedler, J. Schönenberger and H. Voglmayr (2018). Transmission of fungal partners to incipient
Cecropia-tree ant colonies. PLOS ONE 13(2): e0192207. 10.1371/journal.pone.0192207. Libre de droits
- Mayer, V. E., S. de Hoog, S. M. Cristescu, L. Vera and F. X. Prenafeta-Boldú (2021). Volatile Organic Compounds in the Azteca/Cecropia Ant-Plant Symbiosis and the Role of Black Fungi. Journal of Fungi 7: 836. doi: 10.3390/jof7100836. Libre de droits.
- Schmidt, M. and A. Dejean (2018). A dolichoderine ant that constructs traps to ambush prey collectively: convergent evolution with a myrmicine genus. Biological Journal of the Linnean Society 124(1): 41-46. 10.1093/biolinnean/bly028