La cuticule des fourmis

Alain Lenoir - mis à jour le 16-Mai-2021

La cuticule des insectes est un exosquellette (sans cellules) qui sert d'interface avec l'environnement. Elle est une barrière physique contre les pathogènes et prédateurs. Elle fournit une protection contre les blessures, régule les échanges d'eau et aussi joue un rôle dans la respiration, la détermination de la température interne, des mouvements. Elle est composée de trois couches majeures au dessus de l'épiderme : l'endocuticule (f sur le schéma) avec un complexe protéines-chitine, l'exocuticule (e) avec des protéines durcies qui donnent la rigidité, l'épicuticule (d) recouverte d'une couche de cire qui protège contre la dessication. Curieusemen, les plantes ont aussi une cuticule très semblable à celle des arthropodes (Barbero 2016). L'épicuticule contient de nombreuses substances comme des cétones, esters, alcools, acides gras, aldéhydes et les hydrocarbures (Hadley 1981). On sait maintenant que les hydrocarbures cuticulaires permettent la reconnaissance coloniale chez les insectes sociaux.


 Coupe de cuticule : a, canal glandulaire; b, ciment; c, cire; d, épicuticle; e, exocuticle; f, endocuticle; g, cellule glandulaire ; h, cellule epidermique avec noyau; i, cellule trichogène (D'après Barbero 2016)

Un autre dessin (Holze 2012) :

Sur la cuticule des fourmis se retrouvent des substances qui n’ont rien de naturel comme des phtalates (Lenoir et al 2012). En fait, la chitine de la cuticule est un véritable piège pour des substances lipophiles comme les phtalates mais aussi plein d'autres choses comme les bactéries du choléra (voir par ex. Nahar et al. 2012), du squalène. La cuticule de divers copépodes et de diatomées du plancton fixe des bactéries comme des Vibrio plus facilement avec le réchauffement climatique, et ces bactéries se répandent dans le monde aquatique rapidement dans l'Atlantique nord, ce qui pose des problèmes d'infections chez l'homme (Vezzulli et al 2016; voir aussi Lecointre dans Charlie Hebdo du 7 sept 2016).

On trouve sur toutes les fourmis 1 à 2% de phtalates sur la cuticule. Ils pénètrent dans le corps de la fourmi, sans doute par absorption à travers la cuticule, par exemple dans le corps gras. Ce n'est pas spécifique des fourmis mais sans doute de tous les arthropodes (trouvés sur les abeilles, grillons).

Voir
- Barbero, F. (2016). Cuticular Lipids as a Cross-Talk among Ants, Plants and Butterflies. International Journal of Molecular Sciences 17(12). 10.3390/ijms17121966
- Hadley, N. F. (1981). Cuticular lipids of terrestrial plants and arthropods: a comparison of their structure, composition, and waterproofing function. Biological Review 56: 23-47.
- Holze, H., L. Schrader and J. Buellesbach (2021). Advances in deciphering the genetic basis of insect cuticular hydrocarbon biosynthesis and variation. Heredity 126(2): 219-234. doi: 10.1038/s41437-020-00380-y.
- Lenoir, A., V. Cuvillier-Hot, S. Devers, J.-P. Christidès and F. Montigny (2012). Ant cuticles: a trap for atmospheric phthalate contaminants. Science of The Total Environment 441: 209-212. Pdf  - Voir articles de presse en français ou presse en anglais
- Nahar, S., M. Sultana, M. N. Naser, G. B. Nair, H. Watanabe, M. Ohnishi, S. Yamamoto, H. Endtz, A. Cravioto, R. B. Sack, et al. (2012). Role of Shrimp Chitin in the Ecology of Toxigenic Vibrio cholerae and Cholera Transmission. Frontiers in Microbiology 2(260). 10.3389/fmicb.2011.00260

- Vezzulli, L., C. Grande, P. C. Reid, P. Hélaouët, M. Edwards, M. G. Höfle, I. Brettar, R. R. Colwell and C. Pruzzo (2016). Climate influence on Vibrio and associated human diseases during the past half-century in the coastal North Atlantic. Proceedings of the National Academy of Sciences 113(34): E5062-E5071. 10.1073/pnas.1609157113