Super-colonies 

Alain Lenoir Mis à jour 20-Jan-2022

Il existe deux types de supercolonies :
- les fourmis des bois avec de très grandes associations de dômes, mais dont les limites sont bien claires.
- des fourmis invasives qui forment d'immenses colonies, on parle d'unicolonialité.
Il n'y aurait qu'une vingtaine d'espèces unicoloniales. Voir fourmis invasives

Caractéristiques des supercolonies selon H. Helanterä (2022). La définition de supercolonialité n'est pas claire.
- Elles se reproduisent par fission des colonies ("budding") ce qui conduit à former de la polydomie et des déplacements d'ouvrières entre nids.
- Les accouplements sont intranidaux ou localisés près des nids, ce qui augmente la polygynie.
- Elles sont écologiquement dominantes
- Pourtant, souvent il n'y a qu'une faible parentèle entre les individus, ce qui laisse la place à de la compétition. On a des exemples de larves de Formica cannibales envers des oeufs. Cela pourrait être une explication à la rareté des espèces supercoloniales, mais en même temps les avantages expliquent le maintien de ce type de colonialité.
Néanmoins elles ne sont pas toutes invasives et toutes les fourmis invasives ne sont pas supercoloniales.
L'auteur fait un tableau récapitulatif des espèces supercoloniales. La fourmi d'Argentine forme les supercolonies les plus grandes connues sur plusieurs continents. Pour les Tapinoma il y a T. sessile et T. melanocephalum, mais pas encore T. magnum. En Europe il y a par exemple Lasius neglectus, Monomorium pharaonis. Les fourmis rousses comptent de nombreuses espèces capables de supercolonialité (F. plyctena, F. aquilonia, F. paralugubris, F. exsecta, F. yessensis).

Les super-colonies de fourmis des bois

On en connait classiquement deux, découvertes dans les années 80, dans le Jura (fourmis rousses des bois Formica lugubris, 1200 nids) et au Japon (Formica yessensis, 45 000 nids). Une autre a été trouvée en Angleterre avec 900 nids (Ellis and Robinson 2015). Une autre vient d'être découverte en Finlande : 1300 nids de Formica pressilabris en 2016.

La supercolonie est constituée d'une mosaïque de colonies avec parfois un peu d'agressions et peu de flux de gènes (Hakala et al 2020). Dans les supercolonies de Formica lugubris les ressources sont partagées entre les divers nids. Des fourrageuses vont se servir dans les autres nids, ce qui permet des échanges entre nids (Ellis and Robinson 2015). Voir un vieux n° de Sciences et Avenir qui parle de 1200 fourmilières en réseau. Interviews de Daniel Cherix et Pierre Jaisson (Pdf complet ) et aussi Waintrop 2000 avec une autre interview de D. Cherix (Pdf).

La super-fourmilière :

Selon Catherine Vincent (Le Monde, samedi 3 juillet 1999)
"De formidables réseaux routiers. Grâce à leurs phéromones d'orientation, dont elles font un usage collectif, de nombreuses espèces de fourmis construisent et entretiennent autour de leur nid un vaste réseau de pistes chimiques, doté de voies principales, secondaires et tertiaires. Certaines vont même jusqu'à créer d'immenses réseaux d'unités sociales : les nids sont reliés les uns aux autres par ces pistes odorantes, ce qui permet de pratiquer à volonté l'échange d'informations, de nourriture ou de populations.
En 1980, une supercolonie de
Formica lugubris fut ainsi repérée dans le Jura suisse, qui s'étend aujourd'hui sur plus de 25 hectares. La plus gigantesque de toutes fut décrite en 1979 sur l'île japonaise d'Hokkaido, sur la côte de la baie d'Ishikari. Etablie par l'espèce Formica yessensis - cousine de la fourmi des bois européenne - sur près de 300 hectares, elle comprenait environ 45 000 nids interconnectés, et abritait 306 millions d'ouvrières et un million de reines. Les fourmis, elles aussi, bâtissent des empires."

Une confidence d'Arnaud Maeder : "Arnaud Maeder traverse la frontière plus fréquemment, pour travailler pour le myrmécologue de l’UNIL, Daniel Cherix. «Ma mère m’avait proposé de suivre une animation sur la plus grosse fourmilière du monde, pour laquelle des places s’étaient libérées. En fait, il s’agissait de la fameuse supercolonie de fourmis des bois, réunissant quelque 1200 fourmilières sur 70 hectares, à proximité du col du Marchairuz. Je me souviens qu’on était arrivés de nuit et que je suis resté bouche bée tout le week-end à l’écoute du professeur Cherix», raconte le directeur au sujet de celui qu’il considère comme son mentor." (site web 13 mars 2019).

Rémy Chauvin raconte qu'il a été surpris et émerveillé par sa découverte de la colonie géante de fourmis rousses dans le Jura avec Daniel Cherix et il signale que Claude Torossian en aurait découvert une autre plus grande dans les Pyrénées (à vérifier !).

Voir
- Ellis, S. and E. J. H. Robinson (2015). Internest food sharing within wood ant colonies: resource redistribution behavior in a complex system. Behavioral Ecology In press. 10:1093/behaco/arv205
-
Hakala, S. M., M. Ittonen, P. Seppä and H. Helanterä (2020). Limited dispersal and an unexpected aggression pattern in a native supercolonial ant. Ecology and Evolution 10(8): 3671-3685. doi: 10.1002/ece3.6154.
- Helanterä, H. (2022). Supercolonies of ants (Hymenoptera: Formicidae): ecological patterns, behavioural processes and their implications for social evolution. Myrmecol News 32: 1-22. doi: doi: 10.25849/myrmecol.news_032:001

- Kiner, A. (1994). Les fourmis du Jura à la conquête du monde. Sciences et Avenir 571, septembre 1994: p.22-27. Pdf