Au royaume des fourmis

Alain Lenoir Mis à jour 09-Jan-2021

Documentaires vidéos de 44min - de Kyu Seob Kim, Corée du Sud 2019. Attention jusqu'au 5 mai sur Arte
UN regret : les images en colonie artificielles sont un peu trop sombres. Bon, il y a sans doute un problème de traduction : les Solenopsis ne secrètent pas d'acide formique et dans les films on voit bien qu'il s'agit de Formica.

- épisode 1 - Naissance d'une fourmilière
La présentation du film : "Nourri par quatre années d’observation et de recherche, ce documentaire en deux parties révèle une foule de détails saisissants sur l’organisation sociale de plusieurs espèces de fourmis. Ce premier volet suit la construction du nid par les ouvrières et dévoile leurs techniques de chasse ou de protection des larves. Les Polyergus samurai recourent à des armes chimiques et des feintes hormonales pour permettre à leur reine de s’installer chez les Formica japonica et d’y faire élever ses petits. De leur côté, les Formica sanguinea et les Camponotus japonicus attaquent les nids rivaux pour kidnapper les larves, qui deviendront leurs esclaves. Les oiseaux, quant à eux, débarrassent leur plumage des parasites grâce aux fourmis Solenopsis invicta, qui sécrètent de l’acide formique."

Très beau film qui parle de :
- la vie des Formica japonica (photo1) : la prédation, la ponte des reines; les soins aux larves, les nourrices qui étalent des substances sur les larves pour les protéger des infections bactériennes, la trophallaxie, les soins aux larves avec du "lait maternisé", la métamorphose, le vol nuptial et la fondation d'une nouvelle colonie en solitaire.
- la vie des Polyergus samurai, fourmis exclavagistes. La reine après le vol nuptial pénètre dans un nid de Formica japonica où elle est combattue par les ouvrières plusieurs heures, mais elle parvient jusqu'à la reine F. japonica qu'elle finit par exécuter. La nouvelle reine Polyergus est ensuite nourrie par les esclaves qui entretiennent la colonie, assurent l'approvisionnement et nourrissent par trophallaxie les ouvrières de Polyergus. On assiste quand même à des rebellions des esclaves qui peuvent tuer les ouvrières nouveau-nées de Polyergus, surtout au début où elles sont plus nombreuses, mais cela cesse ensuite. Quand cela devient nécessaire, des vieilles ouvrières de Polyergus vont explorer les environs (jusqu'à 100 mètres) pour trouver une colonie de Formica. Au retour elles déposent une piste qui va permettre une attaque massive et le vol de cocons de Formica. Au retour du rair à leur nid, les Polyergus peuvent aussi se faire voler des cocons par des Camponotus japonica, très bonnes prédatrices avides de proies.
- il y a une autre fourmi esclavagiste : Formica sanguinea (on la trouve aussi chez nous) qui utilise des ouvrières de F. japonica après des raids spectaculaires.
- les fourmis peuvent être malades quand elles sont infectées par un champignon entomopathogène Beauveria. Les fourmis montent sur une herbe où elles s'accrochent et meurent. Le champignon envahit tout le corps et libère ses spores (photo3).
- enfin le film se termine par des scéances de formicage avec des Formica.

        

Le champignon pourrait être Beauveria bassiana selon Claude Lebas (mail 9 janvier 2021).

- épisode 2 - Cohabitation à risque. "Les fourmis travailleuses Camponotus japonicus s’occupent de leurs larves, qu’elles nettoient et ravitaillent, ainsi que de celles des papillons Niphanda fusca, en échange du précieux miellat qu’elles leur fournissent. La mouche phoride pond ses œufs dans l’arrière-train des Camponotus japonicus, où les larves pourront prospérer en se nourrissant des organes internes de leurs hôtes. En couvrant leurs corps avec les phéromones des Solenopsis invicta, les Myrmecophilus (ou grillons fourmis) vont partager la même signature que les fourmis et pourront ainsi se nourrir de leurs larves."

Ce film parle des "locataires indésirables". On y trouve des myrmécophiles comme :
- Les chenilles du papillon Niphanda fusca. C'est la même histoire que nos azurés. Les papillons adultes pondent sur les plantes dans les zones d'élevage de pucerons des Caponotus japonicus. Les jeunes larves sont phytophages et sucent le miellat des pucerons. Elles produisent aussi une sorte de miellat qui attire les fourmis. Au stade 2 ces chenilles sont emportées dans le nid des fourmis où elles vont être adoptées car elles continuent à produire la solution sucrée qui attire les fourmis. Quand le papillon émerge il sort vers la lumière.
- le grillon Myrmecophilus qui vit dans les nids de Formica japonica en toute liberté. S'il est attaqué il peut sauter 20 à 30 fois sa taille. Il possède la même odeur que les fourmis, odeur qu'il récupère en se frottant contre ses hôtes.
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Les Microdon (syrphes qui ressemblent à des abeilles) pondent leurs oeufs à l'entrée des nids de Formica japonica. Les larves rentrent dans le nid où elles sont prédatrices des larves de fourmis. Il leur faut 120 larves pour atteindre le stade chrysalide. Ces larves ont aussi l'odeur des fourmis. On connait d'autres exemples de Microdon où le myrmécophile a sans doute évolué en même temps que l'hôte (voir Mimétisme chimique)

On voit aussi la fondation des reines d'une espèce de Polyrhachis (sans doute P. lemalidens de Corée). Ces reines vont pénétrer dans un nid de Camponotus japonica et s'attaquer à la reine pour s'imprégner de son odeur. Il y a des combats car les ouvrières de C. japonica attaquent les intruses. Des intruses vont mourir mais finalement la reine de Camponotus finit par mourrir et une colonie mixte provisoire se forme. C'est du parasitisme social où les ouvrières esclaves peuvent même aider leurs hôtes à combattre une tentative de pillage par des Formica japonica.